La journaliste et critique d’art Caroline Canault a publié sur son site consacré aux « talents émergents de l’art contemporain » une critique intitulée « Les mêlées atemporelles » qui m’est consacrée.
Voici ce que dit Caroline : « Il
délaisse parfois l’aquarelle pour l’encre de chine lorsqu’il travaille
ses « scènes de genre » ou réalise des monotypes ; des empreintes
colorées sur plaques de verre transférées ensuite sur papier. Mais
lorsque cet aquarelliste lillois revient à sa première passion, il
choisi la technique du « mouillé sur mouillé » sur un papier au grain
fin à base de cellulose, offrant un rendu où le précis se laisse
détrôner par le flou, à la limite du figuratif.
Sous une palette aux tons doux, sa recherche d’effets de dépassement du
contour visible, vers l’indéterminé et l’effacement, participe à un
style parfaitement identifiable. Sa contemporanéité se situe dans cette
maîtrise du hasard des effluves.
« Dès le départ, un style de dessin imprécis, naïf, s’est naturellement
imposé, dans mes compositions. Je n’ai pas voulu « faire du Raoul Dufy »
comme le pensent certains. Je chercherai plutôt une influence dans le
dessin de presse et la BD (…) Et puis il y a aussi les Bruegel et James
Ensor. »
Il y a effectivement dans œuvres de Pierre Debroucker, alias Masmoulin,
une délicatesse presque naïve, toujours agréable. L’artiste peint des
espaces symboliques, seulement identifiables par ses protagonistes
réunis en groupe. Concerts, réunions médiatiques, embouteillages, match
de foot, courses à pied, vacances à la plage…
« Dans le Nord et la Belgique toute proche les manifestations festives
sont nombreuses : Braderie de Lille, Carnavals de l’agglomération
dunkerquoise, Gilles de Binche, fête des louches, cortèges autour des
géants. Je pense que ces ambiances ont inconsciemment influencées mon
approche. »
Entre peinture et poésie, cette source d’expression créative se fige
dans une mêlée atemporelle. L’artiste brouille les pistes de l’élan
narratif en décontextualisant ses rassemblements. Le lieu et le temps ne
sont pas perceptibles. Il porte la tension de l’instant sans en
proposer la description. Seuls les personnages participent au message et
à l’identification de la scène.
Si ces ambiances chargées sont panoramiques et enveloppantes, elles ne
saturent pas la surface et sont arrangées avec les qualités de l’humour.
Les protagonistes ont, lorsqu’ils participent à la même activité au
même moment, quelque chose de grotesque, « l’effet mouton » que
l’artiste tourne volontiers en dérision.
Délicates, fluides et volubiles, les foules de Pierre Debroucker sont
sentimentales et délicieusement caustiques. Leur esthétisme amusé nous
place dans une profonde sensibilité pour les contempler avec un réel
plaisir. »
Caroline Critiks